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Des spécimens centenaires mettent en évidence le rôle clé des virus dans les écosystèmes arctiques

Publiée le 21 avr 2021

Cette collaboration entre plusieurs centres et départements de l'Université Laval et le Natural History Museum de Londres suggère de nouvelles pistes pour mieux comprendre le rôle clé des virus dans les écosystèmes de l'arctique. La méthode utilisée démontre également que des échantillons récupérés il y a plus de 100 ans peuvent fournir de nouvelles réponses grâce aux outils génomiques modernes.

Les collaborations interdisciplinaires initiées dans le cadre de ce projet ont été rendues possibles, entre autres, grâce au programme de recherche de Sentinelle Nord.

Auteurs de l'étude :

Anne D. Jungblut1 Frédéric Raymond2,3 Moïra B. Dion4,5 Sylvain Moineau4,5,6 Vani Mohit7,8,9 Guillaume Quang NguyenMaxime Déraspe2 Élina Francovic-FontaineConnie Lovejoy8,9,10 Alexander I. Culley4,5,7,8 Jacques Corbeil2 et Warwick F. Vincent7,8,9

1 Life Sciences Department, Natural History Museum, Londres
2 Département de médecine moléculaire et Centre de recherche en données massives, Université Laval
3 Institut sur la nutrition et les aliments fonctionnels (INAF), Université Laval
4 Département de biochimie, de microbiologie et de bioinformatique, Université Laval
5 Groupe de recherche en écologie buccale, Université Laval
6 Centre de référence pour virus bactériens Félix d'Hérelle, Université Laval
7 Centre d'études nordiques (CEN), Université Laval
8 UMI Takuvik et Institut de biologie intégrative et des systèmes (IBIS), Université Laval
9 Département de biologie, Université Laval
10 Québec-Océan, Université Laval

 

Communiqué de presse officiel publié par le Natural History Museum de Londres :

Dans le contexte de la pandémie actuelle, l’étude du rôle que jouent les virus est plus pertinente que jamais. Ces derniers sont omniprésents et attaquent quasiment tous les organismes vivants, de la plus grande baleine à la plus petite bactérie, en passant par un type d’algues bleues appelé cyanobactéries.

En étudiant les génomes des cyanobactéries du genre Nostoc, que l’on retrouve dans les régions polaires extrêmes, les scientifiques espèrent comprendre comment ces micro-organismes arrivent à survivre et en apprendre davantage sur le rôle des virus au sein de ces écosystèmes. Pour ce faire, une équipe de recherche formée d’Anne D. Jungblut, docteure et chercheuse en microbiologie au Musée d’histoire naturelle de Londres, et de ses collègues de l’Université Laval à Québec s’est tournée vers d’anciens échantillons de cyanobactéries conservés au musée et recueillis lors de l’expédition polaire britannique, qui s’est déroulée de 1875 à 1876.

L’équipe a examiné l’ADN des cyanobactéries prélevées dans l’Arctique pour essayer de trouver des traces de virus dans leurs génomes. Elle était également à la recherche de métabolites secondaires, des composés qui aident les micro-organismes à survivre dans des conditions extrêmes et qui suscitent un grand intérêt dans le domaine du développement de nouveaux médicaments.

« C’est la première fois que quelqu’un examine en détail cette interaction virale dans les cyanobactéries de l’Arctique. Cela nous permet de comprendre à quel point les virus font partie intégrante de l’écologie des microbes et des écosystèmes polaires », explique Mme Jungblut.

« L’une de nos analyses a également révélé un nombre élevé de métabolites secondaires. Ces derniers sont souvent bioactifs, ils suscitent donc l’intérêt de chercheurs qui souhaitent les utiliser pour créer de nouveaux médicaments. »

Bien que les échantillons aient été prélevés il y a plus de 100 ans, l’équipe a pu extraire l’ADN des cyanobactéries et le comparer à celui d’échantillons modernes pour voir si les organismes ont subi des changements notables au fil du temps.

Les échantillons étudiés ont été recueillis lors de l’expédition polaire britannique, qui a quitté Portsmouth en 1875 pour tenter d’atteindre le pôle Nord. Dirigée par le capitaine George Strong Nares, l’expédition a remonté la côte est de l’archipel Arctique, où elle s’est retrouvée coincée dans la glace.

« C’était l’une de ces expéditions ratées; les membres de l’équipage ont souffert du scorbut et sont restés coincés au nord de l’île d’Ellesmere, raconte Mme Jungblut. Ils sont restés piégés pendant l’hiver, mais ont pu faire de nombreuses observations scientifiques, recueillir des échantillons biologiques et retourner en Angleterre. »

En examinant ce qui constitue réellement le système immunitaire des cyanobactéries, l’équipe a pu constater que les virus qui attaquaient les micro-organismes en 1876 étaient complètement différents de ceux qui visent les micro-organismes contemporains.

« C’est la première fois que quelqu’un examine en détail cette interaction virale, précise Mme Jungblut. Nous espérions initialement trouver les mêmes virus que ceux qui infectent les cyanobactéries existantes de nos jours, mais ce n’est pas le cas. »

« Ce n’est pas surprenant, car les virus se renouvellent rapidement et changent beaucoup, comme nous pouvons le constater avec l’apparition des nouveaux variants de la COVID-19. »

De plus, l’équipe a pu démontrer que les cyanobactéries des régions polaires et tempérées possèdent des gènes qui les aident à réagir aux conditions extrêmes. Bien qu’aucun trait génétique évident propre aux cyanobactéries polaires Nostoc n’ait été détecté, ces dernières présentaient des concentrations plus élevées de certains métabolites secondaires. Ceux-ci pourraient intéresser les chercheurs qui développent de nouveaux médicaments.

Ces recherches mettent en évidence le rôle essentiel que jouent les virus dans les écosystèmes polaires ainsi que l’importance des échantillons centenaires conservés dans les musées d’histoire naturelle, qui peuvent désormais être étudiés de manière encore plus détaillée grâce aux outils de génomique.

Vous trouverez l’étude « Genomic diversity and CRISPR-Cas systems in the cyanobacterium Nostoc in the High Arctic » dans la revue Environmental Microbiology.

nostoc warwick vincent sentinel north

Les cyanobactéries (ou algues bleues) de type Nostoc comptent parmi les producteurs primaires dans l'arctique. Photo: W. Vincent.

 

anne jungblut sentinel north

La professeure Anne Jungblut a comparé des échantillons de cyanobactéries prélevés il y a plus de 100 ans avec des échantillons actuels, comme celui-ci.

 

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